Mise en place d’une banque de semences endémiques à Analalava

« À Madagascar, on constate qu’il est difficile de travailler avec des essences d’arbres endémiques ou autochtones, alors que le pays compte plus de 14 000 espèces de plantes et près de 3 000 espèces d’arbres endémiques. Dans le cadre de leurs opérations, les acteurs du reboisement sur la Grande île ont recours, en moyenne, à une vingtaine d’espèces, dont certaines exotiques qui posent des problèmes d’invasion et, par conséquent, déstructurent les habitats et tous les services écosystémiques », a introduit Vincent Garruchet, avant de souligner les risques que font peser ces pratiques sur les moyens de subsistance humains : « On observe, par exemple, dans le district d’Analalava (dans la région Sofia), une érosion des savoirs locaux liés à l’usage médicinal des espèces autochtones, ou encore liés à la construction de bateaux en bois endémiques. Certes, les anciens au sein des villages détiennent toujours ces connaissances, mais ces dernières se perdent chez les jeunes générations, avec la disparition progressive du paysage des plantes et des arbres endémiques. »

           Pour le Directeur des opérations de Bôndy, une méconnaissance générale des enjeux qui entourent la restauration des écosystèmes explique, en partie, le faible recours aux essences endémiques sur la Grande île. « Enormément d’acteurs souhaitant financer des projets de biodiversité évoquent, entre autres, les lémuriens et les baobabs. Quand on leur parle de choses qu’ils ne connaissent pas, comme de vers de terre ou d’arbres autochtones, ça devient plus difficile d’obtenir des financements. Pourtant, la biodiversité n’est pas une collection d’espèces. C’est un système dynamique qui repose sur la restauration des habitats, et la maximisation de leur diversité. C’est pour cette raison qu’on a conçu un projet de banque d’espèces autochtones, en partenariat avec l’association Vahatra », a indiqué Vincent Garruchet.

Recueil de données et production de connaissances

           Pour mettre en œuvre ce projet, les équipes de Bôndy travaillent à cartographier les unités paysagères du district d’Analalava.« On doit obligatoirement passer par une phase de recueil de données et de production de connaissances. On va inventorier les espèces au sein des forêts et établir des fiches visant à décrire leurs caractéristiques propres. L’objectif, c’est de pouvoir, par la suite, travailler sur les itinéraires techniques, car une graine, c’est bien de la collecter, mais il faut être capable de la faire germer », a détaillé le Directeur des opérations de Bôndy, avant d’expliquer que les communautés locales seront placées au cœur de la mise en œuvre du projet : « On va former les villageois du district à la collecte de graines pour alimenter notre banque de semences. L’idée, c’est de les rémunérer à la commande. La banque financera ces commandes en dispensant aux acteurs du reboisement des services de conseil technique, et par le vente de graines et de matériel végétal. Si la structure parvient à couvrir ses coûts de fonctionnement, on a un argument fort pour répliquer le modèle dans les différentes écorégions du pays, avec, à terme, le rêve d’avoir un réseau de banques de semences d’espèces autochtones adossé à des réseaux communautaires de collecte couvrant la diversité des forets de Madagascar. »

           Selon Vincent Garruchet, l’exceptionnelle biodiversité malgache peut constituer un véritable levier de développement pour le pays. « À Madagascar, on peut imaginer, en focalisant la recherche sur l’identification des molécules issues des espèces autochtones, la mise au point de traitements contre certaines maladies, ou encore des applications en cosmétique », a conclu le Directeur des opérations de Bôndy.